236II - Fonds de l'étude sociale service d'accueil aux Nord-Africains, ESSANA

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Cote/Cotes extrêmes

236II/1-236II/19

Date

[1950]-1990

Importance matérielle

19 articles. 1 mètre linéaire.

Origine

Association études sociales - service d'accueil aux Nord-Africains (ESSANA) et association de coopération franco-algérienne du Lyonnais (ACFAL).

Biographie ou Histoire

Historique[1]

L'association ESSANA (études sociales-service d'accueil aux Nord-Africains) est créée en 1947, sous l'impulsion de catholiques sociaux, membres de la « Chronique sociale de France » dirigée par Joseph Folliet et c'est le 24 janvier 1948 que l'association est officiellement déclarée à la préfecture du Rhône. En 1952, l'abbé Henri LeMasne, chargé par le cardinal Gerlier de l'accueil des Nord-Africains à Lyon, entre dans l'association. Dès 1953, quatre grands cours du soir fonctionnent. L'ESSANA prouve son engagement auprès des Algériens, en faisant notamment partie des membres fondateurs du Comité Lyonnais d'Aide contre le Racisme et militant pour l'égalité des droits entre les ouvriers algériens et métropolitains. En 1954, l'association est exclue des subventions publiques au motif qu'elle « faciliterait les agissements d'éléments subversifs contre l'œuvre de la France », elle est d'ailleurs soupçonnée de collaborer avec le Front de Libération Nationale (FLN). Cette même année, Henri Le Masne part en Algérie et réaffirme ainsi les activités humanitaires de l'association et sa démarche politique, provoquant alors un conflit avec la préfecture.

 

En 1957, l'industriel de la soie Jean Carlhian et le médecin Marc Mégard reprennent les rênes de l'association dans le but de la relancer. Ces deux hommes, ainsi que leurs épouses, sont très engagés auprès des Algériens et poursuivent ainsi l'œuvre de l'abbé Henri Le Masne. Jean Carlhian et Marc Mégard discutent activement de la reprise des activités de l'association avec l'aide de trois Algériens : Ahmed Kismoun, représentant AGTA (permanent CFDT), Laïd Méchéri étudiant en médecine et Mustapha Ben Hadj maître d'internat. Ils constituent ainsi le premier bureau mixte de l'ESSANA. Les activités reprennent ainsi à partir de 1957-1958, circonscrites au social et à l'éducatif dans le « champ d'action politique d'assimilation ». Déjà dès 1956 avaient été remis en place les cours d'alphabétisation sous l'impulsion de René Bressat, engagé dans le mouvement Pax Christi, chargé de l'accueil des réfugiés hongrois. En 1958, Marguerite Carlhian organise les cours d'alphabétisation aux femmes qui dès les années 1961-1962 se déroulent au domicile même des Algériennes, vivant parfois dans les bidonvilles de Lyon. En 1960, sept grands cours fonctionnement à travers Lyon et son agglomération. 

L'année 1962 et la signature des Accords d'Evian voient l'ESSANA engager une aide d'urgence pour le logement. L'association est également entrée en contact avec les grands industriels lyonnais afin de faciliter l'emploi des travailleurs algériens lyonnais. L'ESSANA restructure également ses activités d'alphabétisation et élargit son champ d'action à la formation professionnelle ainsi que l'accès au logement et aux soins.

En 1963, l'association est rebaptisée Association de Coopération Franco-Algérienne du Lyonnais (ACFAL). Elle réaffirme ses missions d'aide aux travailleurs algériens et à leurs familles et réclame des aides publiques pour ses actions d'envergure, liées notamment au logement. A cet effet se constitue un conseil d'administration exclusivement français qui lui permet de se mettre en accord avec la loi de 1901 sur les associations, qui stipule que « pour être éligible au conseil d'administration de l'association, il faut être français, majeur, jouir de ses droits civiques et être membre de l'association depuis plus de trois ans ». L'élaboration du conseil d'administration exclusivement français permet également de restaurer l'image de l'association auprès du gouvernement. En 1967, les dirigeants de l'ACFAL s'éloignent des autorités consulaires algériennes qui lui reprochent ses prises de position par rapport au chef du gouvernement Houari Boumediene.

[1] L'historique de l'association a été établi à partir des travaux de Marianne Thivend : Thivend Marianne, «  L'ESSANA, un lieu de solidarités franco-algériennes », Récits d'engagement. Des Lyonnais auprès des Algériens en guerre, 1954-1962, Condé-sur-Noireau, 2012, p. 27-39.

 

Organisation

L'ACFAL est dirigée par un conseil d'administration de 12 membres, parmi lesquels on trouve un président, un trésorier et un secrétaire. L'association est également composée de plusieurs commissions :

  • Cours de français
  • Apprentissage et orientation
  • Jeunesse
  • Prison
  • Cours de femme
  • Placement d'enfants
  • Assistance et commission sociale

 

Contexte historique

Contrairement à ce que l'on pense, l'immigration algérienne ne date pas de la guerre d'Algérie mais remonte à la fin du XIXe siècle et demeure fortement liée à la colonisation française. Les flux migratoires se renforcent d'ailleurs sous la IIIe République. Et si les Algériens quittent l'Algérie pour la métropole c'est avant tout avec l'espoir de trouver du travail et d'améliorer leurs conditions de vie. Ils deviennent principalement ouvriers agricoles ou industriels et se dispersent sur le territoire. Mais il faut rappeler que la plupart des immigrés ne souhaitent dans un premier temps pas se fixer sur le sol français [1] : mariés en Algérie, ils épargnent pendant la durée de leur séjour de l'argent qu'ils envoient à leur famille avant de revenir à leur tour dans leur village d'origine. L'arrivée des immigrés algériens à Lyon est notamment liée aux faits coloniaux [2].

La première vague de l'entre-deux guerres a laissé des marques notamment dans les régions d'industrialisation de la France. En effet, les immigrés comptent de nombreux ouvriers qualifiés. C'est ainsi que, après la Seconde Guerre mondiale, les Algériens sont appelés à occuper des postes utiles à la reconstruction et la relance économique de la France. Ces derniers quittent l'Algérie à cause des conditions de vie qui y deviennent de plus en plus difficiles, entre crise économique et grave sécheresse.

Le flux migratoire algérien en France connaît alors une deuxième vague entre 1945 et 1954 (date du déclenchement de la guerre d'Algérie). Les hommes viennent de toutes les régions : autour de Constantinople, car ils fuient la famine de 1944-1945, et de l'Ouest algérien principalement. Ces migrations sont encore temporaires bien qu'elles se développent fortement : sur 746 000 entrées, 561 000 hommes retournent ensuite en Algérie. Au fil des années cette immigration tend à se sédentariser. Un nouveau type d'immigration apparaît alors dès les années 1950-1952 : l'immigration familiale. Ces regroupements familiaux laissent présager une installation durable des immigrés sur le territoire. Les immigrés viennent combler une forte demande de main d'œuvre [3] en France et se professionnalisent de plus en plus : 30,71% d'entre eux deviennent ouvriers spécialisés en 1960 et 6,71% d'entre eux deviennent ouvriers qualifiés même si la plupart reste manœuvres (61,21%).

Désignés en tant que « Français musulmans d'Algérie » pendant la guerre d'indépendance, le statut de ces derniers demeure précaire et ils sont les cibles de discriminations et stéréotypes. À Lyon, l'immigration s'intensifie du fait des guerres mondiales, favorisée notamment par la reprise des relations maritimes dès 1946[4] et connaîtra un nouvel essor avec la guerre d'Algérie qui touche Lyon dès 1957. L'association ESSANA, créée en 1952, répond aux besoins de ces derniers : elle s'engage à les aider à s'insérer dans la société française à travers toutes les activités qu'elle organise. Cette société algérienne au sein des citoyens français reste reléguée à l'arrière-plan, géographiquement éloignée des centres villes. La situation des immigrés se dégrade lors de la guerre d'indépendance. Les pouvoirs publics exercent une forte répression à l'encontre des mouvements nationalistes algériens qui se sont dotés en métropole de comités d'hygiène et d'aide sociale, de comités de justice et de comités de soutien aux détenus. Un bouleversement important s'opère alors : les Algériens vivent entre eux, au sein de leur propre communauté[5]. Les Algériens sont réprimés et stigmatisés. Des arrestations massives sont exercées. Les 2 et 3 avril 1961 a lieu « la Ratonnade de la Goutte d'Or » comptabilisant 127 blessés graves et  32 établissements spécialisés sont saccagés. Ouvertes en mai 1961, les négociations d'Evian aboutissent enfin en mars 1962, date des accords d'Evian qui, en plus d'assurer l'indépendance algérienne (confirmée le 5 juillet), permettent la libre circulation des ressortissants des deux pays, la mission de l'association s'intensifie d'autant plus que le nombre d'immigrants augmente malgré une tentative de normalisation des courants migratoires en janvier 1964 et un accord signé le 27 décembre 1968 limitant la libre circulation.

La fin de la guerre d'Algérie entraîne d'ailleurs de nouveaux problèmes que l'ESSANA-ACFAL s'est appliquée à résoudre. L'immigration familiale se développe et des questions relatives au logement, à l'éducation et à l'emploi sont portées au premier plan [6]. Rien ne paraît être en mesure de stopper l'immigration, pas même les interdictions proférées par le président Houari Boumediene en 1973 ou par le gouvernement français à l'été 1974. En 1975, on compte plus de 710 000 Algériens installés en France. Les femmes et les enfants représentent respectivement 32 et 37% de la communauté algérienne. Les immigrants sont alors partagés entre leur culture et celle de la France et cela est d'autant plus visible avec l'émergence d'une nouvelle génération, celle des enfants alors français.

La ville de Lyon a elle-même retracé l'histoire de l'immigration algérienne à travers une exposition à la Bibliothèque Municipale de Lyon du 13 mai au 18 septembre 2003 [7].

[1]Vidalier Philippe L'Algérie à Lyon, une mémoire centenaire, Roanne, 2003, p.7

[2]Vidalier Philippe, L'Algérie, Op. Cit., p.7

[3]Pour une histoire franco-algérienne, en finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire, sous la direction de Frédéric Abécassis et Gilbert Meynier, La Découverte, Paris, 2008, p.173

[4]Vidalier Philippe, L'Algérie, Op. Cit.., p.50-51

[5]Op. Cit., p.51

[6]Op. Cit., p.69

[7]Op. Cit., p.7

Histoire de la conservation

Avant son entrée aux Archives municipales de Lyon, le fonds de l'association ESSANA-ACFAL était conservé au domicile des époux Carlhian. Puis, suite à l'interview de Jean Carlhian pour l'ouvrage Récits d'engagement. Des Lyonnais auprès des Algériens en guerre, 1954-1962, le fonds a été transféré au LARHRA en 2011 et y est resté un an, avant le don aux Archives municipales. Durant cette année, un travail universitaire a été mené à partir des documents de l'association.

Dès l'origine, les documents étaient conservés dans des boîtes d'archives en carton. Leur numérotation en chiffre romain date d'avant l'entrée des documents au LARHRA (LAboratoire de Recherche Historique en Rhône-Alpes). A leur arrivée aux Archives municipales, les boîtes les plus endommagées ont été reconditionnées et l'ensemble du fonds a connu une nouvelle numérotation en chiffre arabe pour les besoins d'une première description des boîtes effectuée par les agents des Archives municipales.

Modalités d'entrées

Don de Jean Carlhian à la Ville de Lyon en date du 18 janvier 2012.

Présentation du contenu

Le fonds est composé de documents relatifs au fonctionnement, à l'organisation et aux finances de l'association, à ses relations avec d'autres associations. On y trouve également des ouvrages pédagogiques, des tracts et des articles de presse.

La plus grande partie des documents du fonds concerne les activités de l'association en matière d'éducation et de pédagogie (formation des adultes, cahiers de travail) et d'aide sociale aux immigrés (aide à la recherche de logement, d'emploi, etc.).

Conditions d'accès

L'intégralité du fonds sera communicable en 2026.

Conditions d'utilisation

Reproduction autorisée pour un usage privé, à titre de document de travail ou pour servir à la rédaction de travaux de recherches universitaires.

Le donateur doit être informé au préalable de toute autre forme de réutilisation. 

Documents en relation

Laboratoire de recherche historique en Rhône-Alpes (LARHRA)

Deux boites d'archives concernant l'association ESSANA-ACFAL sont encore conservées au LARHRA.

 

Archives municipales de Lyon

  • Fonds de la Direction de l'action sociale de la ville de Lyon

1905 WP 4-6 : aide municipale apportée aux associations de soutien aux vieillards, aux travailleurs nord-africains, à l'enfance, aux employés de la ville (1947-1987).

  • Fonds Chazalette André (1950-2009)

222II : Papiers personnels et de fonction d'André Chazalette militant, homme politique, constitués notamment de dossier sur l'Algérie, l'anticolonialisme, l'immigration, le militantisme politique, la vie associative, l'insertion professionnelle.

 

Bibliothèque municipale de Lyon

Fonds Marcelle Vallet : photographies.

Fonds Georges Vermard : photographies.

 

Archives départementales du Rhône

Fonds de la Préfecture du Rhône

Administration générale du département : 437 W et 668 W (1940-1970) : 

668 W 86 : relatif aux Nord-Africains (1951-1959), 437 W 78-123 : affaires nord-africaine (1946-1964).

Service de liaison et de promotion des migrants : 248 W et 759 W (1950-1987)

248 W 154-200 : emploi, secours et assistance.

248 W 201-249 : associations et organismes H.L.M.

248 W 220 : Etudes sociales et service d'accueil aux Nord-Africains : statuts, liste des membres du conseil d'administration, rapport d'activité, notes des Renseignements généraux, coupures de presse, programme des activités, cours et conférences proposés par l'association, notes, correspondance (1952-1963).

248 W 250-266 : logement des travailleurs étrangers et de leur famille.

759 W 177-201 : emploi, secours et assistance.
759 W 202-337 : logements.

 

Fonds de la Direction départementale du travail et l'emploi : 3287 W

 

Fonds du service social d'aide aux immigrés, bureau départemental du Rhône 99J (1940-1997)

99 J 31-34 : Insertion des travailleurs immigrés (1970-1973).

 

Archives nationales

F/1a/5010-F/1a/5136 : Archives du Service des affaires musulmanes et de l'aide sociale (SAMAS).

Bibliographie

Guide des sources

Derainne Pierre (et alii), Les étrangers en France. Guide d'archives publiques et privées, XIXe-XXe siècles, Paris, 1999.

 

Histoire de l'immigration en France

Abecassis Frédéric, Meynier Gilbert, Pour une histoire franco-algérienne, en finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire, Paris, 2008.

Derder Peggy, Immigration algérienne et guerre d'indépendance, 2012.

Mehenni Akbal, Père Henri Sanson, itinéraire d'un chrétien d'Algérie, préface de Msg Henri Teissier et de Mohammed Arkoun, 2010.

Stora Benjamin, Les immigrés algériens en France, une histoire politique 1912-1962, Paris, 2009.

Stora Benjamin, Amiri Linda, Algériens en France : 1954-1962 : la guerre, l'exil, la vie, Editions Autrement, 2012.

Stora Benjamin, Temime Emile, Immigrance : l'immigration en France au XXe siècle, 2007.

 

Histoire de l'immigration dans la région lyonnaise

Bancel Nicolas (dir.), Lyon capitale des outre mers : immigration des Suds et culture coloniale en Rhône-Alpes et en Auvergne, 2007.

Dubell Béatrice, Grosjean Arthur, Thivend Marianne, Récits d'engagement. Des Lyonnais auprès des Algériens en guerre, 1954-1962, Condé-sur-Noireau, 2012.

Massart-Guilbaud Geneviève, Des Algériens à Lyon. De la grande guerre au Front Populaire, 1995.

Videllier Philippe, L'Algérie à Lyon, une mémoire centenaire, Lyon, 2003.

Exposition Mémoires d'exil en ligne, qui retrace la vie des populations nord-africaine à Lyon durant les années 1940-1970. Cette exposition est faite à partir des photographies de Marcelle Vallet, Georges Vermard, Honoré Parise et Léon Léponce.

 

Manuel

Le Goff Armelle, Les archives des associations : approche descriptive et conseils pratiques, Paris, 2001.

Cote/Cotes extrêmes

236II/14-236II/16

Date

1960-1975

Mots clés matières

Logement.

Cote/Cotes extrêmes

236II/15

Date

1964-1974

Présentation du contenu

Demandes et solutions de logements : formulaire. Service de Protection maternelle et infantile : enquête. Habitat : plans de situation et de bâtiment, compte rendus, tracts, courriers.

Conditions d'accès

Communicable en 2025

Conditions d'utilisation

La reproduction à usage privé est autorisée. Le donateur doit être informé au préalable de toute autre forme de réutilisation.

Mots clés matières