113II - Fonds Privat Rodier

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Cote/Cotes extrêmes

113II/1-113II/15

Date

1726-1789

Importance matérielle

737 pièces réparties dans 15 articles et représentant au total 1 mètre linéaire.

Caractéristiques physiques

papier, parchemin, cire.

Origine

Privat Rodier, négociant en tissus.

Biographie ou Histoire

Le principal producteur est Privat Rodier, bien que de nombreux autres producteurs et quelques productrices aient pu être identifié.e.s dans le fonds à travers leurs correspondances avec Privat Rodier ou les divers liens législatifs, professionnels et/ou familiaux qui les unissaient à lui.

Privat Rodier, négociant en tissus à Lyon est originaire de Florac, dans les Cévennes. Il est issu d'une famille protestante habitant à Florac et à Genève. Il s'installe à Lyon pour y fonder plusieurs sociétés entre 1748 et 1780. En 1780, il rentre à Florac et poursuit son activité de négoce, probablement à son compte.

Modalités d'entrées

Le fonds a été acquis en 2001 par les Archives municipales de Lyon auprès de la Galerie Saint-François.

Présentation du contenu

Ce fonds est principalement composé de documents comptables, épistolaires et judiciaires, liés aux affaires privées et professionnelles de Privat Rodier, négociant en tissus à Lyon et concerne surtout la période 1748-1780.

Ce fonds vient combler un certain « vide » aux Archives municipales de Lyon et aux Archives départementales du Rhône, un vide que met notamment en avant Yves Krumenacker dans son introduction à Des Protestants au siècle des Lumières. Le modèle lyonnais, paru en 2002. En effet, très peu de séries sont consacrées au protestantisme dans les archives et plus rares encore sont les traces des négociants protestants lyonnais.

 

Généalogie de la famille Rodier

 

Les documents personnels permettent de retracer la généalogie de Privat Rodier. En effet, les membres de sa famille interviennent dans de nombreux documents liés aux affaires de succession ou aux affaires professionnelles. Par exemple, Jean Baptiste Jourdan avait des parts dans les sociétés de Privat Rodier et correspondait avec lui au sujet de ses affaires. Le négoce de Privat Rodier avait un caractère familial.

 

Arrière-grand-père maternel : Jean Sevanier (14 mars 1678 14 octobre 1746), marchand à Florac dans le diocèse de Mende. Il est marié à Marie Chardenon (grand-mère maternel). Son acte de baptême atteste qu'il était protestant ("Religion prétendument réformée").

Arrière-grand-père paternel : (incertain) Jean Léon Rodier.

Grand-père maternel : Jean Sevanier (Inventaire après décès daté du 23 octobre 1745 fait de Privat Rodier son héritier, pièce 53). Il habitait à Genève, où il avait un commerce.

Père : Privat Rodier, le 27 mai 1713 il épouse Marie Sevanier.

Mère : Marie Sevanier, dont le testament est rédigé le 1er mars 1723.

Oncle : Jean-Baptiste Brun (signe la fin de ses lettres avec « monsieur et cher neveu »).

Frère (ainé) : Pierre Antoine Rodier, décède le 9 Septembre 1773. Il était avocat et juge à Florac. Son frère Privat Rodier hérite de ses biens.

Sœur : Marie Rodier, elle se marie en 1745 avec Jean Jourdan, un avocat, qui signe « monsieur et cher cousin » aux lettres à destination de Rodier. Ils ont une fille, Marie Catherine Jourdan, qui vit avec Privat Rodier. Les Jourdan sont deux frères, Jean et Jean-Baptiste. Jean habite à Nîmes et Jean-Baptiste à Mende où il est avocat au Parlement. Jean-Baptiste échange de nombreuses lettres avec Pierre Antoine Rodier et signes ses lettres par « mon cher frère ».

Nièce : Marie Catherine Jourdan ; fille de Marie Rodier et de Jean Jourdan.

Neveu : Guinard Rodier

Enfants : Jacques né en été 1759 (? Voir pièce 397), Marie-Antoinette, Jean-Baptiste, Marguerite (une de ses filles s'est mariée avec M. Pellet, voir la pièce 50 où M. Brun mentionne le gendre de Rodier)

Epouse : Marie Tournier, de la « la maison Tournier Brun et Darnal, fabricants de toiles, figuraient au nombre des grandes maisons du négoce lyonnais » (voir source : Antonetti) ; Brun et Darnal ont fondé des sociétés avec Rodier.

 

Les affaires personnelles de Privat Rodier

Le fonds contient des documents relatifs à plusieurs affaires, dont une partie est liée aux successions :

Affaire Gabrielle Gaud, à propos de la succession de Jean Sevanier (1747).
Affaire Lamy Devaucouleurs, à propos des dettes contractées par son fils (1769-1770).
Affaire Marie Catherine Jourdan, à propos de la succession de Pierre Antoine Rodier (1773-1776).
Affaire du comte Daltier, à propos de la succession de Pierre Antoine Rodier (1780-1785).
Affaire Etienne Genoyer, à propos d'une rente impayée (1779-1782).
Affaire Marion Barthelemi (1780-1783).
Affaire du fief Desfaux, bail sous inféodation (1784-1787).

 

Les sociétés Rodier et associés

 

          Les archives de neuf sociétés différentes sont classées dans ce fonds : Peisson Dussourd et Rodier (1748-1767), Goiraud Dussourd et Rodier (1750-1754), Dussourd Maupetit Villard Rodier (12 avril 1750 - 1er février 1755), Dussourd et Rodier (1750-1762), Chabert Rousset & Rodier (15 janvier 1755-1775), Guinard (neveu de Privat) Corvoisié et Rodier (15 janvier 1760 -1767), Brun d'Arnal et Rodier (1er juillet 1764-1775) située rue Pizay, Rodier Bonnafous et Meynier (1776-1780) et enfin Rodier et Sollicoffre (1779-1780).

Le fonds présente aussi des documents et lettres dont le destinataire est la « société Tournier Brun d'Arnal ». Il s'agissait d'une importante maison de négoce lyonnais et fabricant de toile, appartenant à la famille de l'épouse de Privat Rodier, Marie Tournier. A son mariage, en 1764, Rodier rejoint la société qui porte ensuite son nom.

 

Plusieurs sociétés fondées par Privat Rodier semblent être des sociétés en commandite, c'est-à-dire que Rodier et ses associés fournissent le capital de la société, ils en sont donc les commanditaires, mais la direction de la société est assurée par une tierce personne. Pour la société fondée par Rodier avec la veuve Chabert et Rousset, les trois associés ont fourni le capital, confié la gestion de la maison de commerce à Jean Jourdan et la gestion de la fabrique des étoffes à Jean-Louis Girard (pièces 490 et 539). Ces différentes sociétés étaient constituées pour une durée précise mentionnée dans l'acte de fondation : pour la société Chabert Rousset Rodier, la durée de la société était fixée à cinq ans et à neuf ans pour la société Brun d'Arnal et Rodier (pièces 489 et 589). On voit également dans les pièces que des conventions ont pu être signées entre les différents associés indiquant la procédure à suivre en cas de décès de l'un des membres (pièces 588 et 635). Les sociétés Peisson Dussourd & Rodier et Goiraud Dussourd & Rodier sont dissoutes après le départ d'un associé (respectivement Peisson et Goiraud) et les sociétés Chabert Rousset & Rodier et  Brun d'Arnal & Rodier après la mort de Brun et de Chabert.

 

Les activités de négoce de Privat Rodier et ses associations témoignent de la présence de communautés protestantes étrangères à Lyon (notamment suisses et genevoises, qui dominent à Lyon), mais aussi à Marseille, à Mende et à Gênes, formant  un véritable « réseau confessionnel et familial » à l'échelle de la France et de l'Europe[1]. Le nom Sollicoffre renvoie à une importante famille protestante et Saint-Galloise de négoce. L'index des protestants lyonnais aux XVIIIe et XIXe siècles indique qu'Henri Bonaventure Sollicoffre (1740-1788) était un négociant installé sur le quai Saint Clair, nous permettant de conjecturer de l'identité de l'associé de Privat Rodier en 1779-1780. De même, le répertoire des protestants ayant vécu à Lyon de Roland Gennerat[2] mentionne les membres de la famille Brun (p. 211), Corvoisié (p. 214), d'Arnal (p. 216-217), Sollicoffre (p. 259), Tournier (p. 261). Le nom Rodier est absent de ce répertoire, faute de sources présentes à Lyon sur ce négociant originaire de Florac et de Genève.  

 

Privat Rodier pourrait répondre au portrait du négociant lyonnais dressé par Yves Krumenacker : « le protestant lyonnais type est donc un négociant d'origine suisse. Il appartient à une élite de la richesse [et] il joue un grand rôle économique »[3]. Les travaux de Olivier Le Gouic permettraient de confirmer et de prolonger cette analyse à travers plusieurs chiffres : 75 % des Huguenots lyonnais sont négociants, dont la moitié sont Suisses et un quart Genevois[4]. Mais Privat Rodier pourrait aussi répondre à un autre modèle, celui du protestant venu du Languedoc, établi à Lyon mais qui conserve des liens importants avec sa région d'origine et en crée de nouveaux avec la Suisse et Genève. La présence de sa famille dans les deux espaces, à Florac (père et frère), puis Mende et Nîmes (les Jourdan), mais aussi à Genève (grand-père maternel), nous permet toutefois d'affirmer que Privat Rodier entretenait des liens soutenus et réguliers avec les deux.

 

Les factures concernent surtout du coton, mais aussi de la soie et du velours, et parfois du nankin (toile de coton jaune fabriquée en Chine). La correspondance avec Kick et quelques pièces isolées montre que Privat Rodier et ses sociétés importent des cochenilles (insectes utilisés comme colorant rouge) qui transitent par Marseille.

 

En 1780, il retourne s'installer à Florac, probablement à son compte (dans les lettres de Jean-Baptiste Brun correspondant aux pièces 49 et 50, il lui conseille d'offrir ses services pour l'achat de soie).

 

[1] KRUMENACKER, Yves. Des négociants protestants dans la France catholique In : Commerce, voyage et expérience religieuse : XVIe-XVIIIe siècles [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007 (généré le 22 septembre 2021).

[2] GENNERAT Roland, Histoire des protestants à Lyon. Des origines à nos jours, Editions Au Jet d'Ancre, 1994, p. 199-265.

[3]  KRUMENACKER Yves, Des protestants au siècle des Lumières, le modèle lyonnais, Paris, 2002, p. 141.

[4] LE GOUIC, Olivier. Chapitre III. Des opportunités : s'essayer au trafic des Isles In : Lyon et la mer au XVIIIe siècle : Connexions atlantiques et commerce colonial [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011 (généré le 22 septembre 2021).

 

L'affaire Morellet Zwallen

 

La partie intitulée « Liens avec la société Morellet et Zwallen » a un double intérêt. Le premier concerne la correspondance datant de 1755 à 1767 avec la société génoise, concernant les commandes, l'envoi de marchandises (notamment du velours et de la soie), mais aussi le cours de tissus précieux. Il s'agit d'une correspondance représentative des échanges entre négociant lyonnais et négociant étranger car il est question des cours des tissus, de commissions. Elle renseigne par ailleurs sur la place prééminente de Lyon par rapport à l'Italie dans la production de soie et la manière dont Lyon crée, au XVIIIe siècle, les modes et les cours de ce tissu.

 

La société Morellet & Zwallen est une société à créances de deux associés, Morellet et Zwallen. Rodier, ainsi que ses sociétés Chabert Rousset & Rodier et Brun d'Arnal & Rodier, est créancier de la société Zwallen & Morellet depuis 1755.

Un contentieux est né à la mort de Morellet (le 13 juin 1757 ?) en lien avec la question de son héritage. En effet, la société Morellet & Zwallen située à Gènes était constituée de capitaux appartenant en majorité à Morellet. Or, celui-ci affirme que la société appartenait à son père qui était en réalité perruquier et qu'il n'en était que le commis, afin de le déresponsabiliser de tout remboursement et acquittement. De plus, le fils Morellet n'est pas héritier de son père, n'a aucun droit sur la société Morellet et Zwallen et donc affirme ne pas être tenu de régler la dette envers le créancier de son père. Il accuse le « despotisme absolu » de sa mère qui a pris possession de tous les effets de Morellet, privant les créanciers de tout remboursement. Il est lui-même dans une situation financière difficile qu'il décrit précisément (petite dot de sa femme, 8 enfants). 

Ainsi, en 1764, son associé Zwallen ne pouvant pas payer ses créanciers, l'affaire remonte aux prévôts des marchands et échevins de Lyon, puis, en 1768, jusqu'au consul de France à Gênes, François de Regny. Ce dernier conseille à Privat Rodier de ne pas entamer d'autres poursuites judiciaires, qui engageraient de grandes sommes et risqueraient de ne pas aboutir en raison du statut de Morellet, consul du Danemark à Gênes. Privat Rodier doit attendre que ce dernier voyage en France pour pouvoir faire exécuter la sentence du procès (car elle n'a pas de valeur en Italie). Privat Rodier recourt aussi à André-Julien Rodier, son « frère », qui est intendant général des classes de la Marine et dont le haut rang lui permet d'exercer davantage de pression, sans succès toutefois.

 

Enfin, outre ces éléments très détaillés concernant la généalogie, les affaires et sociétés Rodier, on signale également la présence de notes qui s'apparentent à des écrits du for privé qui retracent d'un point de vue comptable la carrière de Privat Rodier (pièces 157-159), l'attestation de baptême protestant de Jean Sevanier (pièce 439), une copie d'une lettre du roi Louis XV sur les Juifs et rabbins de Lyon (pièce 42) et des comptes sur une carte à jouer (pièce 505).

Évaluation, tris et éliminations, sort final

Conservation définitive.

Accroissements

Le fonds est clos.

Conditions d'accès

Communicable

Toutes les pièces du fonds sont communicables.

Conditions d'utilisation

Conditions générales de réutilisation du service.

Langue des unités documentaires

L'ensemble des pièces composant le fonds est rédigé en français, à l'exception de la pièce 732, qui est une copie de lettre rédigée en italien, traduite en latin et suivie d'un compte rendu en français.

Documents en relation

Archives municipales de Lyon

GG 79-83 : Religion réformée, affaires générales

 

Archives départementales du Rhône et de la Métropole de Lyon

8B : Conservation

8B701 : Boy de la Tour, Auberjonois, Duthon

8B713 : Jean-François Brun

8B800 : Cuentz

8B1219 : Scherer

8B1221 : Schoenauer frères & Arndt

8B1237 : Specht et Gonzebat

8B1238 : Stoumph

8B137-143 : registres de constitution et de dissolution des sociétés

Bibliographie

ANTONETTI Guy, Pelet de la Lozère (Privat-Joseph-Claramond) in Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (II) : Dictionnaire biographique 1814-1848, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2013, page 561.

DRAND Céline, « Les lettres de voiture dans les ouvrages de l'ancien droit français (XVIIe-XVIIIe siècle) », Clio@Themis [En ligne], 17 | 2019, mis en ligne le 30 mars 2021.

GENNERAT Roland, Histoire des protestants à Lyon. Des origines à nos jours, Editions Au Jet d'Ancre, 1994, p. 280.

KRUMENACKER Yves, Des protestants au siècle des Lumières, le modèle lyonnais, Paris, 2002, p. 141.

KRUMENACKER, Yves. Des négociants protestants dans la France catholique In : Commerce, voyage et expérience religieuse : XVIe-XVIIIe siècles [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007 (généré le 22 septembre 2021).

LE GOUIC, Olivier. Chapitre III. Des opportunités : s'essayer au trafic des Isles In : Lyon et la mer au XVIIIe siècle : Connexions atlantiques et commerce colonial [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2011 (généré le 22 septembre 2021).

Le Moniteur judiciaire de Lyon: organe des tribunaux et des annonces légales, Volume 7, 1769, pages 42, 124, 235, 239, 250.

PAGANUCCI Jean, Manuel historique, géographique et politique des négociants, Tomes I, II et III, Lyon, chez J. M. Bruyset, 1762.

WIRZ Olivier, Les sociétés en nom collectif au XVIIIe siècle, Paris, LGDJ, 2021, 468 p.

Informations sur le traitement

Le traitement de ce fonds s'est déroulé en trois temps. Un premier récolement  a été effectué en janvier 2021 par Camille Van Coppenolle. Vincent Rousseau a continué ce travail en mai de la même année. Enffin les analyses définitives et l'introduction ont eté rédigées par Lucie Guignet  en septembre 2021.

Mots clés producteurs

Cote/Cotes extrêmes

113II/8-113II/14

Date

1748-1780

Société Bonnafous, Meynier et Rodier.

Cote/Cotes extrêmes

113II/12

Date

1774-1779

Présentation du contenu

Fonctionnement, pièces 635-636 : conventions en cas de décès des associés (24 octobre 1776, 7 février 1778).

Comptabilité, pièces 637-670 : quittances, factures, notes, lettres de change, bordereau de caisse, promesse de paiement, reçus (27 juillet 1774-18 septembre 1780).

Correspondance, pièces 671-672 : lettres de Bavou fils (1er et 29 mai 1778) ; pièces 673-678 : lettres de Berger et fils (24 décembre 1778, 24 janvier 1779, s.d.) ; pièces 679-686 : lettres échangées par les associés (24 mai 1774-1 juin 1779).

Location et aménagement d'un local, pièces 687-688 : bail accordé par M. Clavière, lettre d'engagement de travaux (30 juin 1772).

Conditions d'accès

Communicable (Communicabilité vérifiée)

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