Avec l'essor des foires instaurées à Lyon par Louis XI en 1465, le droit d'inspection et de taxation prend une importance particulière. Afin d'éviter les tromperies sur les marchandises, les épices, une fois inspectées, sont mises dans des sacs fermés par un sceau, qui représente les armes de la ville avec un lion noir rampant, c'est-à-dire debout, surmonté de trois fleurs de lys. Le mot garbeau désigne principalement le droit de cribler, tamiser ou vanner les épices et de les examiner ou inspecter, d'où l'expression « le garbeau de l'épicerie ».

Le manuscrit est attribué à Guillaume II Le Roy, peintre et graveur lyonnais, dont on peut suivre la trace dans les archives du début des années 1490 jusque vers 1528. Guillaume II Le Roy était parent (fils ou neveu) de Guillaume I, imprimeur liégeois. Ce dernier a été le premier de son métier installé dans la cité rhodanienne par le Lyonnais Barthélemy Buyer. À la fin du XVe siècle, Guillaume II vit encore dans la maison de son parent dans une rue proche de Notre-Dame-de-Confort, sur la presqu'île. Il s'installe ensuite rue Mercière, artère la plus importante de la ville, où résident alors de nombreux imprimeurs. On lui connaît plusieurs œuvres peintes, mais aussi des gravures, puisqu'il est identifié comme étant le Maître au Nombril. Il est en contact avec de nombreux érudits tels que Jean Lemaire de Belges, Pierre Sala et Symphorien Champier, et avec de nombreux imprimeurs, dont Etienne Gueynard et Simon Vincent. Connu pour ses gravures et ses illustrations d'œuvres profanes, il l'est peu pour ses œuvres religieuses.

Le garbeau est une commande de Guillaume Gautheret, issu d'une famille d'apothicaires déjà installée dans la ville au XVe siècle. En 1519, le Consulat lui donne la charge du garbeau et célèbre son élection par cette commande.

Le Garbeau de l'Épicerie est un manuscrit sur parchemin écrit en 1519 et relié à une date ultérieure. Il recense les droits de contrôle et les taxes attribués aux marchandises à leur arrivée à Lyon. Le registre comprend plusieurs parties :

1- Deux enluminures (folio 1v et 2r) :

• La première page est divisée en deux registres l'un au-dessus de l'autre, séparés par un encadrement. En haut sont figurés deux anges présentant un écu aux armes du roi de France, entouré du collier de l'ordre de Saint-Michel et soutenu par un lion. Dans le registre inférieur, deux jeunes femmes entourent l'écu aux armes de la ville. Les deux écus sont accrochés à un arbre, celui aux armes de Lyon est accompagné d'un écriteau portant l'inscription suivante : « DATUM EST DE SUPER ». Les deux registres sont inclus dans un cadre aux motifs surmontés de l'inscription « UNG DIEU, UNG ROY, UNE FOY UNE LOY ».
• L'enluminure du folio 2 représente une assemblée du Consulat, probablement au moment de l'élection de Guillaume Gautheret. Plus d'une vingtaine de personnages se presse autour de la table recouverte d'un tissu vert, qui porte quelques outils d'écriture. Une balustrade en bois sépare cet espace du premier plan, où cinq personnages discutent entre eux. La personne faisant face tient un ouvrage à la main et semble s'adresser à l'homme qui nous tourne le dos. Certains y voient le portrait de Guillaume Gautheret. L'image est accompagnée d'une inscription sur phylactère de la bordure : « les ordonnances de la ville de Lion baillées par messieurs les conceillers à Guillaume Gautheret marchant appotticaire de la dicte ville ». Il s'agit de la première représentation connue de l'administration communale de Lyon.

2- Ordonnances du Consulat sur le droit d'inspection et de taxation sur les épices (folio 2v° à 18), dont le texte est écrit en lettres gothiques dites bâtardes, à la plume. Le texte principal est tracé à l'encre noire alors que le nom des épices est à l'encre rouge : c'est ce qu'on appelle les « rubriques » (en latin « ruber » veut dire rouge). Chaque lettre se détache de l'autre.

3- Versement au profit de l'Hôtel-Dieu pour secourir les pauvres (folio 18v à 20).

4- Tarif des taxes (folio 20), qui sont diversifiées selon la nature des épices. Les épices les plus appréciées sont taxées cinq sous (cannelle, clous de girofle, muscade), les moins appréciées à 1 sou (amandes). Elles se payent par balle, c'est-à-dire par sac.

5- Tarif de la rémunération des inspecteurs pour leur travail (folio 21).

6- Quelques autres ordonnances légèrement postérieures (folio 22v à la fin).

Le dossier fait partie de la série Finances, impôts et comptabilité des archives antérieures à 1792 (CC).

Conditions de reproduction soumises aux conditions générales de reproduction du service.

Foliotation ancienne I-XXVII. Le reste du manuscrit n'est ni folioté ni écrit. 28 lignes réglées à la mine de plomb.

Reliure postérieure en veau brun, dont les plats commencent à se détacher : manipulation délicate.

Inv. Chappe, vol. XIV, p. 213, n°3.

Archives municipales de Lyon

• Le document a été numérisé par Gilles Bernasconi, photographe aux AML, et est consultable en pièces jointes.
• La présentation du garbeau, l'analyse des enluminures et sa transcription, réalisées en 2011 par Anne-Catherine Marin, Tania Lévy et Thomas Bernard, sont également consultables en pièce jointe en format pdf.

Archives municipales de Lyon

• BB : délibérations municipales.
• CC : impôts et comptabilité.

Archives municipales de Lyon

• Bassard André, « La Querelle des consuls et des artisans à lyon (1515-1521) », in Revue d'histoire de Lyon, t.8, 1909, pp. 1-42 (2C/400005/SAL).
• Baudrier Henri-Louis, Bibliographie lyonnaise : recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, publiée et continuée par Baudrier Julien, Lyon : L. Brun, 1895-1899, XII séries (1C/501173).
• Coll, Trésors des Archives, Lyon, Archives municipales de Lyon, 1990, notice n°19 (1C/707872), miniature en frontispice du Garbeau de l'Epicerie ou registre de taxes sur les épices, 1519, figuré p.19
• Exposition du bimillénaire, Lyon : Ville de Lyon, 1958 (177WP/93/11).
• Guigue Georges, «Une miniature lyonnaise, la salle du consulat au XVIe siècle», in Revue d'histoire de Lyon, mars-avril 1903, pp. 139-141 (2C/400005/SAL).
• Joly Alice et Henri, «A la recherche de Guillaume Leroy, Le peintre», dans Gazette des Beaux-Arts, VIe période, tome 61, mai-juin 1963, pp. 279-292 (1C/703462) .
• Krumenacker Yves, Lyon, 1562 : capitale protestante, une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance [exposition, Lyon, Archives municipales de Lyon, 29 octobre 2009 - 27 février 2010], 2009. Lyon : Olivetan, 2009 (1C/8739) : le consulat de Lyon, miniature enluminée, 1919, figuré p. 41 et p. 263.
• RONDOT Natalis, Les peintres de lyon du quatorzième au dix-huitième siècle, Paris1888, p. 209, note 1 (1C/501187).
• STEYERT André, Nouvelle histoire de Lyon, t.3, Lyon, Bernoux et Cumin, 1899, p. 51, fig. 78 (SM/407/VOL/3).
• « 1523, Guillaume II Leroy illustre un manuscrit de Pierre Sala », in BEGHAIN Patrice, une histoire de la peinture à Lyon, Lyon, 2011 (1C/503690/SAL ).
• Publié sur le site Facebook des AML le 10/11/2018.

Autres lieux de conservation

• Avril François, Reynaud Nicole, Les manuscrits à peinture en France (1440-1520), Paris, Flammarion, 1993, pp. 362-363.
• Burin Elizabeth, «Pierre Sala's Manuscript of Le chevalier au lion », dans Les manuscrits de Chrétien de Troyes, pp.323-330, édité par K. Busby, T. Nixon, A. Stones et L. Walters, Amsterdam : Rodopi, 1993, p. 325-326.
• Burin Elizabeth, Manuscript Illumination in Lyons, 1473-1530, Turnhout, Brepols, 2001, pp. 218-219.
• Chartier Roger, Martin Henri-Jean, « La naissance du livre moderne. Mise en page et mise en texte du livre français (XIVe-XVIIe siècles) », dans : Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56ᵉ année, n° 4-5, 2001. pp. 1028-1030.
• Dumont Bérengère, Guillaume II Leroy, au service de Jean Lemaire de Belges. Etudes des gravures des Illustrations de Gaule et Singularitez de Troyes, mémoire de maîtrise sous la direction de Sylvie Deswarte-Rosa, Lyon II, 2003, p. 28.
• Dumont Bérengère, Guillaume II Leroy, graveur et enlumineur à Lyon au début du XVIe siècle, mémoire de DEA, sous la direction de Sylvie Deswarte-Rosa, Lyon II, 2005.
• Entrées royales et fêtes populaires à Lyon du XVe au XVIIe siècle, D. Muzerelle et al. (dir.), Lyon, Bibliothèque Municipale, 1970, n°45, p. 72.
• Rau Suzanne, "At Markets and Fairs in Lyon", in blog Religion and Urbanity: Reciprocal Formations, publié le 11/09/2019 et mis à jour le 6/04/2020. [https://urbrel.hypotheses.org/382, consulté le 29/12/2020].
• Scheller Robert W., «Ensigns of Authority : French Royal Symbolism in the Age of Louis XII», dans Simiolus, n°13, 1983, pp. 75-141, p. 123.
• Virassamamynaïken Ludmilla (Dir.), Lyon Renaissance, Arts et humanisme Lyon, Musée des Beaux-Arts de Lyon et Somogy, 2016, notice p. 13 du catalogue dématérialisé.